[ The Girls d'Emma Cline ]

Auteur : Emma Cline
Genre : contemporain, littérature américaine
Editions de La Table Ronde
Paru en août 2016
331 pages

-----> Paru en format poche aux éditions 10/18 en août 2017 (360 p.)

Résumé


Le Nord de la Californie, à l’époque tourmentée de la fin des années 1960. Evie Boyd a quatorze ans, elle vit seule avec sa mère, que son père vient de quitter. Fille unique et mal dans sa peau, elle n’a que Connie, son amie d’enfance. Mais les deux amies se disputent dès le début de l’été qui précède le départ en pension d’Evie. Un après-midi, elle aperçoit dans le parc où elle est venue traîner, un groupe de filles dont la liberté, les tenues débraillées et l’atmosphère d’abandon qui les entoure la fascinent. Très vite, Evie tombe sous la coupe de Suzanne, l’aînée de cette bande, et se laisse entraîner dans le cercle d’une secte et de son leader charismatique, Russell. Caché dans les collines, leur ranch est aussi étrange que délabré, mais aux yeux d’Evie, il est exotique, excitant, électrique, et elle veut à tout prix s’y faire accepter. Tandis qu’elle passe de moins en moins de temps chez sa mère, et tandis que son obsession pour Suzanne va grandissant, Evie ne s’aperçoit pas qu’elle s’approche à grands pas d’une violence impensable, et de ce moment dans la vie d’une adolescente où tout peut basculer.
Mon avis


Véritable phénomène médiatique lors de sa parution, je ne pouvais pas passer à côté et pourtant, je ne me décide à lire ce roman que maintenant. Dans The Girls, Emma Cline livre son premier roman où elle met en scène Evie Boyd, jeune adolescente de 14 ans qui, le temps d’un été, va tomber dans les griffes d’une communauté atypique... celle qui a défrayé la chronique dans les années 70, celle de Charles Manson et ses fanatiques. Ici, nulle question de proposer un roman sur ce fait divers d’août 1969 - la nuit où les adoratrices de Manson ont pénétré dans la propriété privée de Roman Polanski et tuer la compagne enceinte du réalisateur -, il s’agit surtout d’écrire sur le mal-être adolescent et sur les mécanismes qui se sont mis en place autour d’Evie pour fréquenter un détraqué comme Russell (avatar de Manson en personne).

Ecrire sur l’adolescence est complexe car la caricature est trop simple et l’adolescence n’est pas un âge simple. Evie, en pleine tourmente adolescente, va se rendre compte qu’il est difficile d’être à la fois enfant et adulte. Ses parents séparés, sa mère absente et une dispute avec sa meilleure amie créent un profond sentiment de solitude en Evie. A la recherche de sensations autant que d’occupations, elle rencontre Suzanne, une adolescente aux longs cheveux bruns plus âgée. Sous le charme, Evie va tout faire pour entrer dans les bonnes grâces de Suzanne, cherchant toujours comment la satisfaire. Leur amitié amoureuse va s’intensifier au fil des jours et Evie s’installe au ranch avec la communauté de marginaux.

En plus d’écrire sur le mal-être adolescent en quête d’autorité et de lien, Emma Cline réfléchit sur les mécanismes de fascination qui se sont créés autour de Russell. Comment un personnage comme lui a pu fasciner et devenir gourou d’une secte où de jeunes filles font absolument tout pour le satisfaire ? Evie tombe dans le piège de cette secte, cherchant à contenter Suzanne par le biais de Russell. On comprend qu’elle n’a pas vraiment d’attache pour l’homme et qu’elle veut juste être proche de Suzanne, se sentir acceptée et désirée. Russell n’est pas un des personnages principaux. Il est là et commande la communauté au quotidien mais très peu de scènes avec lui nous sont finalement racontées.

Puis, Emma Cline, l’auteur, alterne les points de vue entre la Evie de 14 ans et la Evie - sans âge - de maintenant. Un séjour seule dans la maison d’un proche lui rappelle cet été en particulier. Finalement, on se demande avec elle si elle a vraiment évolué et si elle a retenu quelque chose de ses erreurs passées : l’ado paumée est-elle devenue adulte ? Les allers-retours dans la narration nous permettent de comprendre la complexité autour du sentiment d’attachement qui naît chez Evie. Quant à Suzanne, elle est certes un personnage très important, elle reste insaisissable pour le lecteur. On la perçoit au travers le regard d’Evie, ses sentiments pour la brune entachant la réalité. Suzanne est un personnage proche du rêve ; on se doute qu’elle existe mais la façon dont elle est décrit la rapproche davantage du personnage fantasmé, comme si elle n’était qu’une apparition fantasmagorique.

Personnellement, j’ai dévoré ce roman qui pourtant m’a parfois écœuré, notamment dans les scènes relatant des actes sexuels. Dans ces scènes-là, j’ai eu l’impression d’être un voisin qui regarde par la cocarde et c’est une sensation très désagréable. Ces scènes assez crues témoignent du quotidien morbide des jeunes filles aveuglées par le charisme - ? - de Russell et qui se donnent à lui sans hésiter... Cependant une fois le récit commencé, il est difficile de le lâcher. Comme Evie, on se retrouve fasciné par le magnétisme des personnages, par leur marginalité et par le mystère qui les entoure.

En bref, ce roman dégage une telle force d’écriture. Emma Cline maîtrise la psychologie de ses personnages et notamment celle d’Evie. Ils nous envoûtent, on veut comprendre comment et pourquoi ils font cela, on veut comprendre d’où vient la force de persuasion de Russell et pourquoi des jeunes filles sous tout rapport s’échappent de leur famille pour le suivre …

A voir

  • Série “Aquarius”

Commentaires